Port actuel : Trondheim (Skansen)

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Des Scillys jusqu’à l’Irlande

Les Scillys ?

Après la traversée depuis Ouessant, nous sommes restés quelques jours aux Scillys à laisser passer le gros d’une dépression… qui nous a donné l’opportunité de nous arrêter à Tresco, un des plus beaux mouillages du voyage pour l’instant. L’accès depuis Sainte Mary s’est fait à marée haute, à passer timidement entre les cailloux, moteur allumé par précaution – est-ce un homme sur une annexe, cette ombre au loin, ou un cormoran qui sèche sur un rocher ?

Nous jetons l’ancre tout proche de la jetée d’Old Grimsby, en face de l’unique boui-boui de l’île. Boui-boui, restaurant chic plutôt, où nous rechargeons nos portables à chaque fois que nous y passons, au prix raisonnable d’une pinte (de sirop pour Antoine).

L’inconvénient quand on vit au mouillage, c’est qu’à chaque fois qu’on va à terre en annexe, on profite d’un pédiluve spontané. Étude de fuite, colle néoprène, ou sikaflex, chaque jour nous apporte de nouvelles idées pour réparer le fond de l’annexe d’une façon différente, peut-être enfin la bonne.

Mardi 15 juillet – partir !

La fenêtre météo s’est ouverte pour traverser jusqu’en Irlande. Le gros de la dépression est passée, mais la barre de vagues qui fume au large de l’île en s’écrasant sur les rochers nous fait un peu peur quand même. On l’a regardé toute la journée. Toute la journée. Avec l’espoir de la voir diminuer avec le soir… sans succès.

Après un court passage à terre en fin de journée, et une pinte ingurgitée sous un soleil descendant, pour se donner du cœur au ventre, nous voilà appareillant à marée haute. Le crépuscule est descendu bien vite pendant que l’on préparait le bateau, c’est de nuit que l’on tangue fortement en passant dans l’ouverture de roche de la baie où nous étions mouillés. Vagues de face. Canelle apprécie difficilement celles-ci lorsqu’elle prend son quart : je lui passe la main et elle me dit bonne nuit en allant cordialement vomir par dessus-bord.

Un début de navigation mouvementé donc, les vagues font quand même 3 mètres de creux. On commence à respirer un peu mieux une fois que les ombres fragmentées des Scillys s’éloignent : ça y est, on est en pleine mer.

Les quarts de nuit se succèdent, 3 h à chaque fois, et les vagues de face nous fatiguent. Seuls les dauphins qui jouent autour du bateau en traçant des spirales lumineuses dans l’eau arrivent difficilement à nous arracher un sourire. En même temps, on les voit continuellement depuis qu’on est navigue, à croire qu’ils font partie des garde-côte anglais.

La journée se lève sur… Mais se lève-t-elle vraiment ? On y voit pas à 100m. Cernés par le brouillard. C’est une ambiance surréaliste et un peu effrayante, un tanker pourrait sortir de la brume et nous frôler la poupe sans que l’on ne le voit ou qu’on l’entende arriver.. Chaque vibration d’Aléla devient un bruit de moteur, chaque nuance de brouillard un nouveau bateau, avec risque de collision imminente.

Qu’est-ce qui est le plus efficace pour éviter de se rentrer dans l’étrave, l’AIS ou le cor de chasse ?

Tout dépend de qui souffle dans le cor… Antoine avec ses compétences de trompette éloigne n’importe quel chalutier. Canelle dans la détresse n’arrive pas à rassembler son souffle pour produire un klaxon satisfaisant. Ses barrissements se perdent dans la brume.

Autre avantage de la brume pour égayer la croisière : les gouttelettes en suspension non seulement déforment le bruit et sa provenance, mais nous gardent dans un état constant d’humidité. Rien ne sèche à point.

On passe sur une zone qui s’appelle « Celtic Deep » sur la carte… Est-ce que ça traduirait par Fosse Celtique ?


Mercredi 16 juillet, le soir

Instant de suspens vers 21h : en redémarrant les instruments, l’AIS tarde à se reconnecter au GPS. C’est le moment où Antoine passe le quart, je le réveille toutes les cinq minutes pour savoir si c’est grave, s’il faut appuyer sur un bouton ; il m’impressionne par sa capacité à me dire « je réfléchis » et se rendormir dans la minute. Je médite sur nos dépendances aux systèmes électroniques… et je joue du cor de chasse pour tester l’imperméabilité du sommeil d’Antoine.

Les fous de Bassan sont une distraction bienvenue, comme le banc de puffins qu’on traverse encore une fois – qu’en penserait les naturalistes ?

En tout cas, je crois de plus en plus à l’ornithérapie : le vol des puffins Anglais au ras des vagues sont toujours une distraction bienvenue.


Jeudi 17 juillet, le matin

J’ai enfin trouvé le moyen de réveiller Antoine : le bruit lancinant du coupe-circuit moteur agit comme un réveil. Je finis par arriver à allumer le Yanmar (deux pistons!) au troisième essai, en autonomie chaotique. Le vent est tombé… on voit enfin le soleil diffuser un peu de joie dans la brume. J’assiste à un drame familial terrible : des pingouins plongent à notre approchent, laisse le quatrième plus jeune à flot seul et désemparé. Les oiseaux ne nous quittent plus, puffins et pingouins sont devenus des réguliers, on a la chance de croiser un fulmar boréal, et une sterne (caugek ? le bec semble noir) vient faire le tour trois fois du bateau. Des minuscules oiseaux de mer noir viennent compléter le tableau, peut-être des océanites tempête…

Après la pétole vient le vent, enfin.

On décide d’écourter la route jusqu’à Dublin en faisant un stop plutôt à Arklow.

Comme le vent et le courant nous sont favorables, on décide finalement de pousser jusqu’à Wicklow. Le bateau marche bien, au portant/travers Aléla fait des pointes à 6.8 noeuds (vitesse fond!), aidé par le courant.

Vendredi 18 juillet, arrivée dans la nuit

On arrive dans la nuit à Wicklow, petit port de pêche très bien protégé ; l’amarrage se fait directement sur la digue, sur des échelles en bois disposées contre le mur… Il faut prendre en compte le marnage, la culture ici c’est de s’amarrer plutôt lâche en profitant du fait d’être si bien abrité du vent et de la houle.

La priorité, c’est d’abord de faire sécher les affaires et recharger les batteries (de l’équipage) à plat après ces 180 milles… Trouver le shipchandler et recharger le matériel de pêche, dire qu’on est bien arrivés même si on nous suit de près à l’AIS, refaire le plein d’eau et de coriandre fraîche.

2 thoughts on “Des Scillys jusqu’à l’Irlande

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